Aventure ardéchoise

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GuiCol
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Aventure ardéchoise

Message par GuiCol »

Philippe74 a écrit : 29 avr. 2022, 11:37 Tu peux développer ton aventure? ;)
Nord Ardèche, janvier 2020.

C'était le début d'une série de rendez-vous annuels que l'on a commencé à prendre régulièrement avec de vieux amis.
Pour ce long week-end, on avait misé sur l'Ardèche, à quelques encâblures d'Annonay.
Je venais de Toulouse. Parti à 7h du matin, j'avais traversé le pays en passant par Albi, Rodez, Mende, le Puy En Velay (où j'ai pu me délester d'une co-voitureuse), Yssingeaux, et j'ai quitté la civilisation pour prendre la direction de St Bonnet le Froid.
Pour ceux qui ne connaissent pas, à St Bonnet le Froid, c'est la basse/moyenne montagne. Ce sont de grandes forêts de pins sombres et exagérément hauts où serpentent de magnifiques routes.
C'est à Saint Bonnet le Froid que Google Maps le Perfide a tenté de m'assurer que si si, il connaissait une route qui me ferait économiser quelques dizaines de kilomètres sur mon trajet restant. Faut avoir en tête que j'avais déjà 6/7 heures de voiture dans les pattes, et que l'assise de nos coupés n'est pas sans effet sur le dos. C'est raide, non ?
Donc j'étais plus que réjoui, même si légèrement soupçonneux, de pouvoir arriver plus vite que prévu. L'état de mon dos a vite occulté les quelques soupçons que j'avais sur le nouvel itinéraire proposé.
Au lieu de contourner le massif par l'ouest, puis remonter jusqu'à la maison par son versant sud (sur des routes qui méritent une autre histoire, d'ailleurs), je tourne sur la gauche en direction de Saint-Julien-Vocance.
Après m'être fait offrir deux sandwiches (un pour mon pote, un pour moi) car je n'avais que ma carte bleue (merci encore, madame), je reprends la coupé pour attaquer la partie finale du raccourci.
J'ai senti qu'il y avait une embrouille quand j'ai vu à quel point le massif que la route devait me faire grimper était haut. Sur ma droite, il cachait le soleil, alors que j'étais au plus profond de la vallée (750 m d'altitude, le col à 1100 m).
J'arrive enfin à la "route" qui devait marquer la fin de mes suspensions et la retraite anticipée de mes pneus.
Pour l'occasion (hiver en ardèche), j'avais chaussé mon set de roues 16" équipées de pneus neige, plus épais que les été en 215/45/17. Grand bien m'en a fait.
Je me suis dit que si Google me proposait de passer là, c'est que malgré tout la piste était praticable.
9.2 km restants. Pour le GPS, c'était une route comme une autre, donc il me prévoyait d'arriver environ 10 bonnes minutes plus tard.
Je me suis donc engagé dessus en roulant au pas. C'était très humide, mais les pneus faisaient du bon boulot. La terre était grasse, mais pas glissante non plus.
La terre a vite laissé place à une piste plus dure, mais ravinée par les pluies. J'étais sur un versant nord, donc beaucoup plus sombre et humide. Les ornières n'étaient pas si profondes, et j'ai calé les roues entre les sillons. Les pneus roulaient doucement sur des cailloux qu'ils projetaient avec un "TOMP !" sourd, les envoyant balader je ne sais où.
Je progressais à 10 km/h environ, et je me suis dit que la piste irait de toute façon en s'améliorant, car mon ami google m'y avait envoyé sans vergogne. Il ne pouvait pas me mentir, et puis bon, même si le temps restant qu'il m'affichait augmentait à chaque tour de roue, il était parti sur une base de 10 minutes...
J'avais parcouru environ 700 ou 800 mètres quand la piste s'est mise à monter, et avec la pente, les ornières se sont creusées. C'est là que les premiers vrais doutes on fait surface.
Est-ce que je dois faire demi-tour et arrêter les bêtises ? Pas possible, la piste était trop étroite. Marche arrière ? Sur 800 mètres, en descente, avec des ornières, dans l'obscurité de la forêt ? Pas envisageable et pas envie.
J'ai donc continué, contournant ici une ornière trop profonde, là un gros cailloux qui déformait la piste. A mesure que je progressais, la piste se mouillait de plus en plus, et un filet d'eau y coulait en continu. De trop fortes précipitations avaient du défoncer le chemin, car il était parfois consolidé avec des branches et troncs de pins qui le recouvraient sur quelques mètres. Puis revenaient les cailloux et l'humus détrempé. Et le chemin devait forcément s'améliorer plus loin.
La vue s'est un peu ouverte au nord, et j'ai pu voir à quelle altitude j'en étais. Assez basse, en fait. J'avais fait deux kilomètres environ, et j'avais débouché dans une clairière où étaient stationnés un Suzuki Jimny, un quad, et un bûcheron, posté là au bord du chemin. Sa tronçonneuse à la main, il me regardait approcher. Sur son visage, je pouvais lire de l'incompréhension, du dépit, un peu de pitié, mais je suis sûr d'y avoir détecté un poil d'admiration.
J'avais les fenêtres ouvertes pour profiter de l'air frais et entendre un crac de trop sous la voiture. Je m'arrête à son niveau.
Je devais avoir l'air bête sur cette piste, dans un coupé sport à peine plus haut que son quad, le double échappement qui envoyait ses volutes de vapeur sur les petits gaz que j'essayais d'envoyer de manière mesurée.
- Bonjour, le GPS m'a envoyé par ici. Je vais de l'autre côté, à St Symphorien.
Il a fait de grands yeux.
- St Symphorien ? Mais faut pas passer par là !
- C'est bloqué par ici ?
- Ah non, c'est pas bloqué, mais ya pas la route. Elle passe pas là ! me fait-il comme si je ne l'avais pas encore remarqué.
Je lui demande:
- La piste, elle continue comme ça, ou c'est pire plus tard ?
Il a réfléchit un moment, puis:
- Non, c'est pareil tout le long, c'est pas plus abîmé là-bas qu'ici, non.
Je l'ai remercié, et il m'a vu repartir dans de petits vrup vrup discrets, l'air de se dire qu'il allait avoir une bonne histoire à raconter ce soir.
J'aurais pu faire demi-tour. J'avais la place à cet endroit, mais la boue qui m'aurait certainement arrêté. En quad ou en jimny avec un treuil pourquoi pas, mais pas en coupé. Et puis, la piste n'était pas pire plus loin.
J'ai donc continué, et, pour faire court, il m'avait raconté des cracks. La piste était bien plus pourrie de ce côté-ci.
7 kilomètres restants.
Les ornières me forçaient à slalomer de gauche à droite, évitant de m'approcher trop près à gauche pour éviter la chute , ni trop à droite pour éviter le fossé.
Les cailloux se faisaient plus gros, et certains avaient roulé du talus pour s'arrêter sur la piste. Je m'arrêtais parfois pour les mettre dans le fossé et continuer ma route.
Des ruisseaux coupaient parfois celle-ci, mais jamais plus d'une vingtaine de centimètres de profondeur. Ca nettoyait un peu les roues, et je me sentais tout propre, rafraichi et prêt à franchir de nouveaux obstacles, et puis, le chemin allait s'améliorer ensuite, ça ne pouvait durer éternellement.
J'avais ouvert le toit, car un raisonnement (peut-être idiot, mais sur le coup qui me semblait logique) m'avais emmené à penser que si le châssis se déformait lors d'une manoeuvre, la vitre au plafond pourrait se fendre.
J'étais donc en plein coeur de la forêt, fenêtres ouvertes, l'air froid de l'extérieur se battant avec l'air chaud du chauffage, et moi au milieu, des gouttes de sueur de stress de casser quelque chose ou de me retrouver coincé là. Et je croise les doigts pour qu'un des cailloux pointus qui jonchent la piste ne vienne pas me crever un pneu. "TOMP !" font-ils sous la gomme.
C'est là que la marche est arrivée.
5 kilomètres restants.
A l'époque, cette petite bute qui coupait la route avait dû être crée pour dévier l'eau de ruissellement du chemin. Avec le temps et les Jimny, c'était devenu une marche qui devait faire 20/25 centimètres de haut, impossible à prendre de front.
J'ai maudit ce ****** de bûcheron de mes ********, qui m'avait assuré que la piste était égale à elle-même d'un bout à l'autre.
J'aurais pu faire demi-tour à cet endroit-là. Une marche arrière sur quelques dizaines de mètres et j'aurais eu la place. Mais d'un, j'avais fait plus de la moitié du chemin. De deux, les obstacles que j'avais passé en montant (de plus petites marches, des rochers qui déformaient la piste), je n'étais pas sûr de pouvoir les passer en descendant, car le poids du moteur sur l'avant et vers le bas aurait sans doute fait plier les suspensions et toucher le nez. En montant, l'avant a tendance à être délesté. Et de trois, un peu d'amour propre. Pas de retour en arrière possible donc.
Je suis descendu de la voiture, et j'ai analysé le terrain dans la lumière des phares. Faut dire que la couverture des arbres bloquait toute lumière.
Je remonte dans la voiture, pas de ceinture cette fois-ci car mes fesses touchaient à peine le siège tant je voulais voir la piste devant le capot.
J'engage la roue avant droite dans le fossé, où la marche était atténuée, et braque à gauche une fois celle-ci arrivée en hauteur. Je suis alors en diagonale sur le chemin, et re-braque à droite.
La roue avant-gauche s'est soulevée du sol. Pas de beaucoup, mais ça a suffit à agripper le nez de la marche avec la roue et engager la voiture dessus.
Une fois la marche passée, la piste s'est assagie, comme si elle m'avait assez testé et avait décidé que ok, je pouvais continuer, même sans Jimny.
Je suis arrivé au col sans encombre, en prenant même le luxe de passer la seconde.
2 kilomètres restants.
La montée a eu l'inconvénient de me remplir d'une assurance que je ne méritais pas. Je bouillais d'impatience d'écraser l'accélérateur. Cela faisait plus d'une heure que j'avais quitté la route pour m'engager sur la piste. J'avais faim, j'étais fatigué, j'avais mal au dos.
De grandes pistes plates ou légèrement descendantes s'ouvraient devant moi. Tapissées d'une épaisse couche d'aiguilles de pin, sèche sur ce versant là de la montagne, j'ai ouvert les gaz comme une spéciale de rallye. Elle sonnait bien, après s'être retenue si longtemps sous les 10 km/h.
Je rate la piste qui descendait sur la gauche dans ce dédale de chemins. J'écrase le frein, et la voiture glisse sur la patinoire d'aiguilles. Je m'arrête finalement dans une sueur froide pas loin du fossé. C'était bête. On arrête les conneries.
Je m'engage sur un chemin poussiéreux, calé entre deux ornières dans lesquelles je ne veux et ne dois pas tomber.
Les arbres se sont éclaircis, et je vois le toit de la maison pas loin en contrebas.
Un virage en épingle se présente. Les ornières suivent la courbe dans la première partie, puis se jettent dans le champ en contrebas sur la gauche. Le chemin descend dangereusement. Je ne supporte pas les descentes.
Je me positionne sur l'extérieur du virage, et tourne sur le frein moteur que je tente de garder constant. Je vais trop vite.
Je freine. Les roues braquées glissent sur la poussière. J'accélère en remettant les roues dans le sens de la piste et donne un grand coup de gaz. Les roues patinent et, dans un nuage de poussière rouge, mordent assez pour me faire rentrer dans l'intérieur du virage et ne pas laisser les roues dans les ornières qui fuient sur l'extérieur. Je freine par à coups pour ne pas bloquer à nouveau les roues, et je redescends petit à petit à une vitesse raisonnable.
100 mètres plus loin, je gare enfin la Coupé.
0 kilomètre restant.
9h30 de route, dont 1h30 sur les derniers 9 kilomètres.

Un membre de la bande a du retard. Google l'a envoyé vers une piste que sa clio n'a pas osé affronter. Il fait "le grand tour" et ne prendra pas le raccourci.
L'année suivante, entre deux confinements, nous retournons là-bas.
Deux de mes amis viennent ensemble dans son épave de Scénic, et prennent également du retard.
Cette année le GPS les a fait prendre une piste défoncée, mais une marche les a contraint à faire marche arrière puis demi-tour.

Et c'est pour cette raison, messieurs dames, que je n'abaisserai pas ma Coupé.
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Philippe74
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Re: Aventure ardéchoise

Message par Philippe74 »

Oh là là! Tu racontes ça comme si c'était hier! Grand moment de solitude tu as vécu là! :joy:
Merci pour ce récit écrit avec une "plume" digne d'un écrivain de talent! Ça me rappelle un rassemblement où notre trésorier, en convoi, nous a amené dans un cul de sac!! :rofl:
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GuiCol
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Re: Aventure ardéchoise

Message par GuiCol »

Merci pour ces compliments !
Je le referai pareil si c'était à refaire... Et je l'ai refait, d'ailleurs, en me rendant l'année suivante à cette même maison par une autre route.
Plus j'écrivais, plus les détails me revenaient. Une belle épopée.
Et qu'une belle idée, le cul-de-sac à la queue leu leu !
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Re: Aventure ardéchoise

Message par man3515 »

Merci pour cette lecture, je me reconnais dans ma capacité à me mettre dans ce genre de situation aussi. :lol:
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Re: Aventure ardéchoise

Message par Paimon »

bravo, ce texte très intéressant et drôle :grinning:
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